CHAPITRE XVI

— Arrivée dans le système de Bilbringi dans dix minutes, annonça le commandant Raech du Mon Mothma. Préparez-vous au combat.

Wedge croisa les mains dans son dos, mais la sensation n’était pas agréable. Il les croisa sur son ventre, fixant le néant de l’hyperespace et se demandant ce qui les attendait au moment du retour dans le monde réel.

— Vous avez déjà combattu à Bilbringi, n’est-ce pas, monsieur ? demanda le lieutenant Cel. Contre Thrawn ?

Wedge eut un sourire sans joie.

— Etudiez-vous l’histoire ancienne, lieutenant ?

— Non, monsieur… Mais j’avais dix ans pendant le blocus de Coruscant. Je me rappelle très bien.

— Bon, d’accord, j’ai combattu ici, à Bilbringi, comme pilote d’une aile X. Je ne crois pas m’être jamais approché de Thrawn…

— Non, mais vous avez divisé la flotte ennemie en attaquant les chantiers navals.

— Là, lieutenant, vous donnez dans la flatterie, dit Wedge, étonné. Qui se souviendrait de ça ?

— On nous présente cette opération dans les holovidéos de démonstration. C’était une grande victoire !

— Qui a failli tourner en formidable défaite, lâcha le général. Les interdicteurs impériaux nous ont sortis de l’hyperespace alors que nous étions trop loin des chantiers navals. Thrawn n’aurait même pas dû être là – nous avions prévu une dizaine de stratagèmes pour donner l’impression d’attaquer Tangrene.

Mais Thrawn avait un sixième sens. Il était brillant. Si son garde du corps ne l’avait pas assassiné au cours de la bataille, nous n’aurions eu aucune chance de gagner.

— Vous semblez l’admirer, monsieur.

— L’admirer ? Sûrement ! C’était un ennemi… différent.

— Différent des Yuuzhan Vong, vous voulez dire ?

— Différent des Vong, de l’Empereur et de tous les autres grands chefs de guerre. Il était vraiment particulier.

Cel hocha la tête comme si elle comprenait.

— Que ferait Thrawn, confronté aux Yuuzhan Vong ?

— Il les exterminerait, si c’était possible…

— Oui, monsieur. (Cel réfléchit un moment.) J’ai aussi entendu dire du bien du Grand Amiral Pellaeon.

— Il y était, confirma Wedge. Du côté de Thrawn, luttant pour l’Empire. Je lui demanderai de me raconter ses souvenirs de cette bataille-là, une fois que nous en aurons fini avec celle qui s’annonce.

Nous formons quand même une équipe bizarre. Pash y était aussi – un pilote d’aile X comme moi…

Aujourd’hui, le général Antilles dirigeait un tiers de la flotte, Pash Cracken commandait le Mémoire d’Ithor, et Pellaeon combattait de leur côté.

— La grande qualité de Pellaeon est de connaître ses limites, expliqua Wedge. Ne me comprenez pas mal : c’est un excellent tacticien et un très bon commandant. Mais à la mort de Thrawn, il ne s’est pas fait d’illusions. Il savait qu’il ne pourrait pas gagner. Cela le distinguait de la plupart des officiers impériaux, dotés d’un ego hypertrophié. Voilà pourquoi nous avons pu les battre à l’époque. Les Vong sont un peu pareils.

La dernière remarque était surtout destinée à rassurer le lieutenant, qui montrait des signes de nervosité. Même si beaucoup de commandants vong continuaient à lutter alors qu’ils auraient dû choisir la retraite, leur philosophie différait fondamentalement de ce qui avait motivé un Impérial comme Grand Moff Tarkin. Et elle était beaucoup plus dangereuse…

— Oui, monsieur, dit Cel. Espérons que nous ne rencontrerons pas de surprise à Bilbringi !

— Lieutenant, fit Wedge pendant que l’alarme annonçant la fin du saut commençait à retentir, je vous le promets : si ça devait arriver, je ne remettrais plus jamais les pieds à Bilbringi !

Mais l’espace réel ne leur réserva pas de surprise. Tout se passait selon les plans et les écrans tactiques se remplirent d’explications sur la situation.

Au-dessous d’eux, en direction du soleil du système, se dressaient les restes des anciens chantiers navals. En revanche, les plates-formes de défense Golan Il avaient manifestement disparu.

Dans la ceinture d’astéroïdes, les Vong avaient monté leurs propres chantiers navals pour faire pousser leurs vaisseaux en les nourrissant des matières premières disponibles en abondance.

Une flottille de taille respectable était rassemblée dans le secteur. Wedge compta deux croiseurs interdicteurs et douze grands navires dont les tailles allaient de la moitié du Mon Mothma au double approximatif de son volume.

Son groupe représentait moins du tiers de la force de l’Alliance. C’était logique, puisque plus des deux autres tiers devaient arriver plus tard pour affronter les Yuuzhan Vong.

— Quels sont vos ordres, général ? demanda le commandant Raech.

— Lancez l’approche. Pellaeon et Kre’fey ne viendront pas avant que nous ayons analysé la situation et donné le feu vert – après avoir localisé les positions stratégiques. Allons faire notre boulot pour garantir que nous ne les attirons pas dans un piège.

— Très bien, monsieur.

— Général, annonça l’officier du poste de contrôle, un message arrive du Mémoire d’Ithor. Pour vous.

— Merci, lieutenant. Je prends la communication.

Un instant plus tard, la voix de Pash Cracken sortit des haut-parleurs.

— Eh bien, général, comme au bon vieux temps…

— J’y pensais aussi, répondit Wedge. Au moins, ça démarre plus doucement que la dernière fois.

— Tu peux le dire ! Ils ont vraiment refait la déco, non ?

— Oui. Je les engagerai peut-être pour rénover ma maison, sur Chandrila.

— Bonne idée. Du style vong de la première époque. Mais on dirait qu’ils bougent. Je te laisse retourner à tes occupations. N’oublie pas que je suis là, surtout !

— Ça ne risque pas d’arriver, Pash. Je me réjouis de te savoir sur mon aile.

— Merci, Wedge.

Le général se concentra sur la bataille à venir. Les navires vong se déplaçaient pour former deux groupes, dont l’un, à peu près de la taille du sien, comptait un interdicteur. La deuxième section, plus importante, commença à s’éloigner des chantiers navals.

— Du calme, dit Antilles. Ils sont encore à distance. Voyons s’ils vont faire ce que j’espère.

Soudain, le petit groupe disparut des écrans.

— Microsaut, monsieur, rapporta Cel. Ils sont derrière nous, maintenant.

— Normal. Ils nous coincent entre les deux interdicteurs pour que nous ne puissions pas partir. Ils ont tout ce qu’il faut pour nous écraser. (Wedge étudia le diagramme.) Nous ferons descendre Pellaeon dans le secteur six, et Kre’fey ici, au douze.

Il repassa le plan en revue. Avait-il oublié quelque chose ?

— Contrôle ! ordonna-t-il. Envoyez ces coordonnées aux flottes concernées !

Il se tourna vers le commandant :

— Aux postes de combat, mais sans précipitation. Nous nous lancerons sur le petit groupe pour donner l’impression que nous avons avalé un morceau un peu trop grand pour le digérer. Et que nous voulons nous débarrasser de l’interdicteur afin de pouvoir rentrer à la maison. Nos renforts arriveront longtemps avant que le deuxième groupe nous rattrape ? Car il ne pourra pas exécuter un microsaut avec les interdicteurs à proximité.

— Général, il semble que nous ayons un problème, dit l’officier des communications.

— Oui ?

— Apparemment, nous ne pouvons pas contacter Bêta et Gamma.

— Apparemment ?

— Nous ne le pouvons pas, monsieur.

— Entrez en rapport avec le commandement central et faites-lui relayer les coordonnées.

— Monsieur, nous n’arrivons pas non plus à joindre Mon Calamari, ni aucun autre endroit. Comme si tout le réseau com était défaillant.

Wedge regarda de nouveau les images de la bataille qui se préparait. S’il n’appelait pas les autres officiers, ils ne viendraient pas. Le plan était parfaitement clair sur ce point : il valait mieux perdre une flotte que trois à cause d’une tactique inattendue des Vong. Sans renforts, cette affaire risquait de tourner très mal, et pas pour les Yuuzhan Vong.

— Compris, lieutenant. Je crois que j’en ai ma claque de Bilbringi.